• Une nouvelle guerre froide a commencé. Points de vue Kiev, et Russie

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    suite à ces quelques lignes sur mes blogs,

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    Nous en reparlerons, car je réagirai en conséquence,

    mais pas pour l'instant, car je suis occupée

    à rédiger trois nouveaux ouvrages

    à paraître sous trois mois environ.

    NB Boycottez les produits faisant de la pub.

    Un bon produit n'a pas besoin de pub... eva R-sistons

    Une nouvelle guerre froide a commencé – Acceptons-la avec soulagement

    Avec la relative accalmie qui semble prendre place en Ukraine, c'est le moment d'examiner l’impact des développements dramatiques intervenus dans ce pays sur la scène politique russe, et ce que cela peut signifier à son tour pour l'ordre/désordre international. Commençons par un bref résumé de points déjà abordés

     

    La scène côté russe

    D’abord, quelques rappels :
    1. Il n’y a pas de réelle opposition parlementaire en Russie. Oh, pas parce que « Poutine est un dictateur » ou parce que « la Russie n’est pas une démocratie », mais simplement parce que Poutine a brillamment œuvré pour soit coopter, soit affaiblir toute opposition. Comment ? En usant de son autorité personnelle et de son charisme pour promouvoir un agenda auquel les parties adverses ne peuvent pas s’opposer ouvertement. Officiellement bien sûr les groupes d’opposition existent, mais ils manquent totalement de crédibilité. Cela peut à la longue changer avec la nouvelle Loi sur les partis politiques.
    2. La seule opposition « dure » à Poutine dans la Russie moderne est constituée de diverses personnalités ouvertement pro-US (Nemtov, Novodvorskaia, etc.) et de leurs mouvements et partis. Au mieux ils représentent quelque chose comme 5 % (max !) de la population.
    3. Poutine a fait une « prise de judo » sur ses opposants réels (on reviendra sur eux) en utilisant la forte « Constitution présidentielle » adoptée en 1993 pour au fond concentrer tout le pouvoir dans ses mains.
    4. La vraie opposition à Poutine et à son projet peut seulement être trouvée à l’intérieur du Kremlin, dans le parti « Russie Unie » et dans certaines personnalités influentes. J’appelle cette opposition réelle « intégrationistes atlantistes » (IA) parce que leur objectif clé est d’intégrer la Russie dans la superstructure mondiale anglosioniste.
    5. La puissance réelle de Poutine est dans la population russe elle-même qui le supporte personnellement, le Front du peuple pour la Russie, et dans le groupe que j’appelle les « souverainistes eurasistes* » (SE) dont le but principal est de développer un nouvel ordre mondial multipolaire, de se libérer du système financier international contrôlé par les anglosionistes, de réorienter autant que possible l’ancienne URSS dans une intégration avec l’Est, et de développer le nord de la Russie.
     
    Si je voulais simplifier encore plus je dirais qu’en 1999 les IA et les SE ont conjointement fait un putch pour mettre Poutine au pouvoir afin de remplacer Eltsine. Les IA (représentant grossièrement les intérêts de « big money » et « big business ») voulaient un bureaucrate effacé et terne comme Poutine (du moins c’est ce qu’ils pensaient !) pour assurer la continuité et ne pas trop secouer le bateau après le départ d’Eltsine. Les SE (représentant grossièrement les intérêts d’une certaine élite de l’ancien KGB, en particulier sa « Première direction générale ») et Poutine lui-même ont brillamment utilisé la puissance qui lui a été conférée par la Constitution de 1993 (adoptée sous Eltsine et les IA !) pour lentement mais sûrement changer l’orientation de la Russie d’une totale soumission à, et colonisation par, les Etats-Unis vers un processus que Poutine et ses supporters appellent « souverainisation** » c-à-d libération nationale. Un long bras de fer s’ensuivit, principalement en coulisses, mais avec des poussées visibles régulières comme le désaccord ouvert entre Poutine et Medvedev concernant l’Iran et la Libye ou le renvoi de Kudrin par Medvedev (les deux ont été mis sur une trajectoire de collision par Poutine, bien sûr). Dans une dernière simplification je dirais que Medvedev représente les intégrationistes atlantistes et Poutine les souverainistes eurasistes.
     
    Encore une fois ceci est très simplifié, si quelque chose est nouveau pour vous merci de vous reporter aux 4 articles mentionnés au début, commentaires inclus.
     
    La scène côté ukrainien
     
    Jusqu’à cet hiver la plus grande différence entre la Russie et l’Ukraine était qu’en Russie Poutine avait au fond détruit la vieille oligarchie, qui était contrôlée par les Etats-Unis et Israël, et l’avait remplacée par une nouvelle, qui était soit soutien du Kremlin soit neutre. Le message de Poutine à l’oligarchie russe était simple : « vous pouvez être riches, mais ne compromettez pas le bien-être de la nation russe et n’essayez pas d’entrer dans la lutte politique ». Pour ceux qui pourraient se demander pourquoi Poutine n’a pas éliminé l’oligarchie russe en tant que classe, je voudais redire ici que tout ce que Poutine a fait depuis 1999 jusqu’à maintenant a toujours été un compromis entre ses SE et les encore très puissants IA. Poutine ne pouvait simplement pas défier ce groupe très puissant, bien connecté et riche, il a donc dû procéder lentement et avec prudence, étape par étape.
     
    En contraste avec la Russie, en Ukraine les oligarques ont réalisé ce que j’appellerais le « rêve de Khodorkovsky » – essentiellement ils ont tout acheté : l’économie entière, la totalité des mass-médias, le Parlement et, bien sûr, la Présidence. Depuis 22 ans, l’Ukraine a été asservie par un ensemble d’oligarques qui ont passé un simple accord avec l’Ouest : vous nous supportez, et nous vous supportons. Comme résultat, les leaders occidentaux et les médias corporatifs n’ont « pas remarqué » que tous les politiciens ukrainiens étaient corrompus jusqu’à l’os, Ianukovich et Tymoshenko inclus, que – contrairement à la Russie, malgré ce qu’en dit la propagande anglosioniste – les désaccords politiques en Ukraine sont souvent réglés par des assassinats, et que la ploutocracie ukrainienne a littéralement sucé la richesse de l’Ukraine. Finalement, même l’étonnamment riche Ukraine a manqué de ressources et, sa richesse pillée, la crise était devenue évidente à voir pour tous.
     
    A côté du pillage des ressources et de la richesse, un autre « accomplissement » majeur des oligarques ukrainiens a été la totale subordination de l’Etat et de ses instruments à leurs besoins : pour eux l’Etat lui-même était devenu un instrument de puissance et d’influence. Par exemple, le service de sécurité ukrainien SBU (ex-KGB) consacrait tout son temps et ses ressources engagées dans des luttes entre les divers oligarques et leurs bases de pouvoir locales et, en résultat, le SBU n’a pas attrapé un seul espion étranger en 22 ans ! Pour rendre les choses pires, le SBU était essentiellement géré par la station locale de la CIA étasunienne. Cette vente en gros destructive de l’appareil d’Etat lui-même a joué un rôle clef dans les évènements de cet hiver et est encore un facteur central dans la situation sur le terrain : à toutes fins pratiques, il n’y a pas d’ « état Ukrainien ».
     
    Les Eurobureaucrates et Oncle Sam entrent dans la danse
     
    C’est dans le contexte de cet effondrement total de l’Ukraine en tant qu’état et nation que l’UE a décidé de son initiative : elle offrit à l’Ukraine une association avec elle. Oncle Sam raffola de l’idée, spécialement parce qu’elle incluait un chapitre politique conduisant la politique étrangère et de sécurité de l’Ukraine en contrat avec l’UE. Cette notion d’Ukraine orientée par l'UE plût aussitôt aux Etats-Unis qui pensaient à la base que l’Ukraine était la clef des ambitions putatives de la Russie (voir ici pour des détails). En outre, la Maison Blanche savait que si l’Ukraine était contrôlée par l’UE, et l’UE contrôlée par les Etats-Unis (ce qui a toujours été), alors l’Ukraine serait contrôlée par les Etats-Unis. Alors l’Ouest commença à faire miroiter une grosse carotte devant le peuple ukrainien : « faites un choix civilisationnel », rejoignez l’UE et devenez riches, fortunés, heureux et en bonne santé ; la Russie n'aura rien à redire à cela, l'Ukraine est un Etat souverain ». Pour des millions d’Ukrainiens appauvris et exploités, c’était un rêve devenu réalité ; non seulement ils deviendraient fortunés et heureux comme les Européens le sont supposément (seulement dans les communiqués de propagande mais ce n’est pas grave), mais en plus ils pourraient se débarrasser de la clique corrompue au pouvoir. Les oligarques ukrainiens adoraient également l’idée : ils obtiendraient de continuer à exploiter l’Ukraine et son peuple aussi longtemps qu’ils garderaient une position anti-russe (ce qui est assez facile – les oligarques ukrainiens sont littéralement terrifiés par Poutine et, même plus encore, par la notion d’un « Poutine ukrainien »).
     
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    La grande explosion
     
    Il y a un dicton qui dit que si votre tête est dans le sable, votre derrière est en l’air et, en effet, la réalité revînt pour mordre le derrière des ukrainiens par une vengeance exquise : le pays est cassé, ruiné, à quelques semaines du défaut et le seul endroit où l’argent peut être trouvé pour prévenir l’effondrement final est la Russie. Les Russes, cependant, posent une condition à leur aide : pas d’accord d’association avec l’UE parce que la Russie ne peut avoir un marché ouvert avec l’Ukraine tandis que l’Ukraine ouvrirait son marché aux produits et services de l’UE (ce n’est pas un "stratagème machiavélique" de Poutine mais une simple et évidente nécessité compréhensible par qui que ce soit ayant suivi un cours d’économie élémentaire). A ce point, Yanukovich fit subitement un tour à 180 degrés qui déconcerta sincèrement beaucoup d’Ukrainiens. Pendant qu'il était tourné vers l’aide de Moscou, l’enfer se déchaîna : les Ukrainiens outragés occupèrent la rue et voulurent savoir pourquoi leurs rêves de prospérité leur étaient refusés. Les Etats-Unis paniquèrent aussi – si la Russie était autorisée à sauver l’Ukraine elle la contrôlerait inévitablement – « vous payez pour quelque chose, vous le possédez » dit la logique US. Aussi les Etats-Unis sortirent leur plus grosse arme : les « talibans ukrainiens » c-à-d le Secteur droit, le Parti de la Liberté (ex Parti National-socialiste) et les voyous néonazis associés. L’apparition soudaine d’authentiques Banderites et autres néonazis effrayèrent les russophones au point que, tandis que les acteurs du nouveau régime révolutionnaire à Kiev s’affairaient à bannir le russe en tant que langage officiel et à décriminaliser la propagande nazie, la Crimée fit sécession et une grande partie de l’Ukraine entra dans une période de chaos complet et d’anarchie.
     
    Nous savons tous ce qu’il advînt depuis, inutile de l’évoquer à nouveau. Nous pouvons maintenant regarder ces évènements du point de vue de la politique interne à la Russie et de l'impact global plausible de cette dernière.
     
    Le point de vue de Moscou
     
    La première chose à dire est que la popularité de Poutine vis-à-vis du public russe a grimpé en flèche : elle est actuellement de 71,6 % et cela même s’il y a peu de progrès sur le front de l’anti-corruption, pas de progrès du tout sur la très nécessaire réforme du système judiciaire, et avec une économie russe passant par des moments difficiles. De plus, indépendamment de nombreux problèmes non résolus en Russie, Poutine est tout simplement impossible à attaquer vu qu’il s’est positionné lui-même comme l’homme qui a sauvé la Crimée et même, éventuellement, la Russie (plus à ce sujet ci-dessous).
     
    Le second effet spectaculaire des évènements en Ukraine est qu’ils ont davantage polarisés la société russe. Je ne dis pas que c'est considérable, mais le fait est que les hommes politiques russes ont maintenant deux choix. Ils peuvent se positionner soit en tant que :
     
    1) de vrais patriotes russes qui soutiennent Poutine, qui soutiennent la réintégration de la Crimée, qui soutiennent la politique russe de tenir tête à l'Occident ou, 
     
    2) des russes « libéraux », qui sont russophobes, achetés et payés par les Etats-Unis, qui ne sont rien de plus qu'une 5ème colonne (Poutine a utilisé ce terme), pro-capitalistes, pro-OTAN et même pro-nazi (rappelez-vous, l’Ouest supporte maintenant ouvertement les Nazis en Ukraine !). 
     
    Inutile de dire que tous les hommes politiques russes se grimpent l’un sur l'autre pour montrer qu'ils appartiennent fermement au groupe numéro un. Même Sergueï Mironov, le chef du parti « Just Russia » et dernière opposition « réelle » à l’intérieur de la Douma, a pris l'initiative d'aider la Crimée (ce qui l’a mis sur ​​la liste des sanctions des États-Unis et de l'UE). Ceux qui ont choisi de ne pas le faire sont maintenant « de la viande morte ».
     
    Le plus crédible de tous, Alexei Navalnyi, le seul leader de l'opposition non associé avec régime Eltsine des années 1990, a écrit un article dans le New York Times intitulé « Comment punir Poutine » dans lequel il est allé aussi loin que de faire une liste de noms que les États-Unis devraient punir. Dans le climat politique actuel en Russie, ce n'est rien de moins qu'un suicide politique et la carrière politique de Navalnyi est maintenant terminée. Il pourrait tout aussi bien émigrer à Londres ou aux Etats-Unis. 
     
    Mais le plus important résultat de la crise en Ukraine a été de mettre la Russie et les Etats-Unis sur une trajectoire de collision ouverte. Vu de Russie voici ce que l'Occident a fait. Il a : 
     
    1) organisé une insurrection armée illégale 
    2) renversé un gouvernement légitime (même si corrompu) 
    3) supporté des néo-nazis
    4) mis-en-œuvre une politique anti-russe piétinant les valeurs démocratiques 
    5) mis-en-œuvre une politique anti-russe piétinant les droits à l'autodétermination 
    6) refusé de reconnaître les souhaits du peuple russe en Crimée 
    7) refusé de reconnaître les souhaits des russophones en Ukraine 
    8) sanctionnée symboliquement la Russie seulement parce qu'il ne pouvait pas faire plus 
    9) échoué à intervenir militairement uniquement parce qu'il craignait la puissance militaire de la Russie 
    10) forcé les pays à l'ONU à condamner la Russie
     
    Dans ce contexte, quelle chance ont les intégrationnistes atlantistes d’obtenir le moindre soutien pour leur politique ? Aucune, bien sûr. Non seulement cela, mais les sanctions appliquées par l'Occident ont rendu possible pour Poutine de faire ce qu'il n'aurait pas pu faire avant : rendre les Russes méfiants envers les banques occidentales (à la fois dans et hors la Russie), créer un système de paiement russe analogue au SWIFT, faire plus d'efforts dans l'exportation de gaz vers la Chine et le reste de l'Asie, réduire la participation de la Russie dans des organes gérés par les étasuniens comme le G8 ou de l'OTAN, forcer la Russie à déployer des capacités militaires plus puissantes à ses frontières occidentales (Iskanders à Kaliningrad, Tu-22M3s en Crimée), réduire le tourisme russe à l'étranger et l'envoyer aux régions russes et, le dernier mais non le moindre, réduire l'utilisation russe du dollar américain. Tout cela est un rêve devenu réalité pour des économistes tels que Glazyev ou des politiciens tels que Rogozin qui ont exercé de fortes pressions pour de telles mesures depuis de nombreuses années, mais dont Poutine devait ignorer les conseils de peur que les intégrationnistes atlantistes contre-attaquent. Mais maintenant il y a même de sérieux pourparlers en Russie à propos de se retirer de nombreux traités militaires clés (nucléaire stratégique, conventionnel, vérification nucléaire, etc.) voire de l'OMC (peu probable).
     
    Il est maintenant devenu très facile pour Poutine de congédier quiconque au motif que cette personne ne met pas effectivement en œuvre les décisions du Président. Maintenant tout le monde le sait et chaque intégrationniste atlantiste court maintenant le risque d'être renvoyé sans préavis. En vérité, il faut dire que Barak Obama a énormément aidé Poutine et que, grâce à la politique américaine vraiment folle concernant l'Ukraine, la position des intégrationnistes atlantistes (généralement pro-américains) a été minée pour de nombreuses années à venir.
     
    Une blague racontée pour la première fois à la télévision russe par le porte-parole du Comité d'enquête russe (un "FBI russe" pourrait-on dire), pas exactement quelqu'un connu pour son humour, est devenue particulièrement populaire ces jours-ci. La voici :
     
    Barack Obama a boycotté les Jeux olympiques et n'a pas participé aux jeux de Sotchi – et nous avons brillamment remporté et les Jeux olympiques et para-olympiques. Merci, Camarade Obama !
    Obama a alors fortement soutenu les extrémistes de la junte à Kiev – et nous avons miraculeusement récupéré la Crimée. Merci, Camarade Obama !
    Obama a imposé des sanctions contre nos oligarques – et maintenant leur argent n'est plus à l'Ouest mais en Russie. Merci, Camarade Obama !
    Maintenant, si vous permettez, nous avons encore des souhaits : nous voudrions remporter la Coupe du monde de football...
     
    Blague à part, il y a beaucoup de vérité dans cette plaisanterie – plus les Etats-Unis essayent de maximiser les enjeux et de repousser la Russie, plus la Russie devient forte et plus Poutine devient fort en Russie. 
     
    Quant aux quelques pauvres militants pro-américains laissés en Russie, ils sont vraiment dans une situation désespérée : pendant des années ils ont dû lutter contre les accusations d'être associés aux horreurs du régime Eltsine dans les années 1990 et maintenant, à ce terrible héritage, ils peuvent ajouter un nouveau fardeau d'avoir à lutter contre les accusations d'être "pro-Banderastan". Franchement, ils pourraient tout aussi bien faire leurs bagages et rejoindre l’Ouest, car en Russie, ils sont finis. 
     
    Qu'est-ce que cela signifie pour le reste du monde ?
     
    J'ai souvent décrit la lutte secrète entre les intégrationnistes atlantistes et les souverainistes eurasistes comme « interne » ou « dans les coulisses », ce qui était globalement vrai jusqu'à présent. Les événements en Ukraine ont changé la donne, et le genre de questions auxquelles les « souverainistes eurasistes » n’osaient que faire allusion de façon plus ou moins oblique sont maintenant ouvertement discutées à la télévision russe : comment coexister avec un Occident hystériquement russophobe et ouvertement pro-nazi, comment diminuer la participation de la Russie dans, et la dépendance avec, le système financier international contrôlé par les anglosionistes, quel type de mesures prendre pour faire en sorte que les Etats-Unis et l'OTAN n’aient jamais aucune option militaire viable, comment gérer la « 5ème colonne interne » en Russie afin d'éviter un « Maidan à Moscou », comment faire face aux sortes d'organisations subversives sponsorisées par les Etats-Unis (telles que la NED, Carnegie, etc.) qui opèrent toujours en Russie, comment être certains qu’aucun gouvernement farouchement anti-russe à Kiev ne soit autorisé à survivre économiquement et socialement, etc. J’appellerais cela la « position Nuland » mais appliquée non pas à l'UE, mais aux Etats-Unis. Est-ce que cela signifie une nouvelle guerre froide ?
     
    Oui, on peut parier que c’est le cas !
     
    Mais je voudrais souligner immédiatement que cette nouvelle guerre froide est entièrement, à 100%, la création des Etats-Unis et que ce que toute la Russie a fait jusqu’à maintenant est d’accepter la nouvelle réalité opératoire. Ni Poutine ni personne d'autre en Russie ne voulaient cette nouvelle guerre froide, mais elle a été unilatéralement imposée par les États-Unis et ses colonies de l'UE ces 20 dernières années ou plus. Pensez à ceci : la raison principale pour laquelle les États-Unis et l'Union européenne n’imposent pas de sanctions significatives à la Russie est qu'ils l’ont déjà fait dans le passé et qu'il ne reste plus rien à imposer, à part des sanctions qui nuiront autant à l'Ouest, sinon plus, qu’à la Russie. C'est la même chose pour la soi-disant « image internationale de la Russie ». Quelqu'un a t-il oublié tous les bobards idiots systématiquement et convulsivement promus par les grands médias occidentaux sur la Russie avant la crise en Ukraine ? Voici un rappel rapide pris de mon dernier article sur ce sujet :
     
    • Berezovsky comme homme d'affaires « persécuté » 
    • Politkovskaïa « assassinée par des hommes de main du KGB » 
    • Khodorkovski emprisonné pour son amour de la « liberté » 
    • L'agression" russe contre la Géorgie 
    • Les guerres russes « génocidaires » contre le peuple tchétchène 
    • Les « Pussy Riot » comme « prisonnières d’opinion » 
    • Litvineko « assassiné par Poutine » 
    • Les homosexuels russes « persécutés » et « maltraités » par l'Etat 
    • Magnitski et la « loi Magnitski » ultérieure 
    • Snowden comme un « traître qui se cache en Russie »
    • Les « élections volées » à la Douma et à la présidence 
    • La « révolution blanche » sur la place Bolotnaya 
    • Le « nouveau Sakharov » – Alexei Navalnyi 
    • Le « soutien russe à Assad « , le (chimique) « boucher de Damas » 
    • L’ « intervention » constante de la Russie dans les affaires ukrainiennes 
    • Le « contrôle total » du Kremlin sur les médias russes
     
    Je dirais que cette liste est déjà assez longue et que personne en Russie n'a besoin de s'inquiéter de quoi que ce soit que ferait le Kremlin qui serait pire. Si ce n’est la guerre à la Russie comme ils l'ont fait en Irak, Afghanistan, Pakistan, Bosnie, Croatie, Kosovo, Libye ou Syrie – les Etats-Unis ont « maximisé » leur politique anti-russe, et le fait est que leurs sanctions ne valent pas grand chose. 
     
    Alors comment nommez-vous quelque chose d’un peu mauvais, mais pas assez pour vous faire réellement mal ? Nietzsche appellerait cela un soutien de puissance (power boost, NDT). La médecine moderne appelle cela une vaccination. Le choix des mots n'a pas d'importance, seul le phénomène réel compte : les Etats-Unis et l'Union européenne ont infligé une quantité considérable de peine à la Russie, mais pas assez pour la rompre et, comme conséquence directe, la Russie a reçu une puissante « vaccination anti-anglosioniste » qui la rendra beaucoup plus forte qu'elle ne l'était. 
     
    Et c'est une bonne nouvelle pour tout le monde.
     
    Pour le meilleur ou pour le pire, la Russie est objectivement le leader incontesté de la résistance mondiale à l'Empire anglosioniste. Oui, l'économie chinoise est beaucoup plus forte, mais le militaire chinois ne l’est pas, et la Chine est fortement dépendante de la Russie pour l'énergie, les armes et la haute technologie. Je pense que la Chine va inévitablement prendre la tête dans la lutte contre l'Empire anglosioniste, mais ce n'est pas encore le cas aujourd'hui : la Chine a besoin de plus de temps. L'Iran est certainement le pays le plus ancien et le premier à avoir osé défier ouvertement les anglosionistes (avec Cuba et la Corée du Nord, mais ce sont des pays vraiment faibles), mais les ambitions de l'Iran sont essentiellement régionales (ce qui, soit dit en passant, est un signe de sagesse de la part de la direction iranienne). Comme le Hezbollah il est, à mon avis, le leader moral de la Résistance dans le monde entier, non seulement par ses exploits militaires vraiment phénoménaux, mais surtout par sa volonté de se tenir complètement seul, si nécessaire. Mais être un phare moral ne signifie pas être en mesure de contester globalement l'Empire. La Russie, la Chine, l'Iran et le Hezbollah constituent ce que j'appellerais, pour paraphraser Dubya, l ‘« Axe de la résistance à l'Empire » et la Russie joue un rôle clé à l'intérieur de cette alliance informelle mais forte.
     
    L'autre endroit où « ça » se passe est, bien sûr, l’Amérique latine, mais le récent vote à l'ONU a clairement montré que la Bolivie, le Venezuela, le Nicaragua et Cuba sont les seuls qui osent encore défier ouvertement l'hégémonie des États-Unis (et le régime au Venezuela se bat actuellement pour sa survie). Ainsi, l'Amérique latine a un potentiel énorme, mais il est loin d'être réalisé, du moins actuellement.
     
    Conclusion
     
    Une nouvelle guerre froide a été en gestation depuis le jour même où la guerre froide a pris officiellement fin. Ainsi, nous ne pouvons que saluer la nouvelle réalité introduite par la crise en Ukraine : la Russie a maintenant ouvertement accepté le défi des Etats-Unis et tous les prétextes de partenariats stratégiques américano-russes sont révolus depuis longtemps. Quant à l'Union Européenne, son rôle a été si honteux et scandaleux que la Russie la traitera exactement comme elle mérite de l'être : un protectorat américain soigneusement soumis sans aucune politique ou opinion propre. Maintenant que le prétexte de « partenariat » est enfin tombé, nous pouvons nous attendre à une Russie beaucoup plus affirmée, voire conflictuelle, sur la scène internationale. Bien sûr, je ne veux pas dire que Poutine va commencer à claquer ses chaussures à l'ONU comme (prétendument) Khrouchtchev l’a fait, ni que Poutine menacera d’ « enterrer » l'Occident – Poutine, Lavrov et Churkin sont de véritables hommes d'Etat et diplomates, et ils resteront impeccablement courtois – mais vous pouvez vous attendre à beaucoup plus de votes négatifs à l'ONU et à de nombreux « nous sommes désolés » sur de nombreuses questions bilatérales.
     
    Le grand bénéficiaire de cette nouvelle guerre froide sera l'Iran, bien sûr, mais aussi la Chine. Non seulement l'Iran et la Chine vont probablement obtenir les armes qu'ils ont si ardemment souhaitées (S-300 et Su-35 respectivement), mais la Chine va obtenir des offres très favorables sur les prix énergétiques russes (les Chinois sont certainement assez intelligents pour utiliser cette nouvelle situation sans trop présumer des choses – ils vont le faire « juste comme il faut »). La Syrie et le Hezbollah vont obtenir plus d'argent, plus d'armes et un soutien plus politique. Les pays qui aspirent à devenir finalement membres de l'« Axe de la résistance à l'Empire » obtiendront plus d'aide financière et politique (Cuba, le Nicaragua, la Bolivie et, en particulier, le Venezuela ont besoin de toute l' aide qu'ils peuvent obtenir) comme le feront des pays plus ou moins pragmatiques qui ne sont pas entièrement inféodés aux États-Unis (le BRICS, bien sûr, mais aussi les petits pays tels que l'Argentine, l'Irak, l'Afghanistan, le Pakistan et tous les autres qui se sont abstenus lors du vote infame à l’ONU récemment) . Il convient également de ne pas sous-estimer l'aide que la Chine peut rendre à ces pays ou tous les avantages que ces pays peuvent tirer de leur coopération avec les autres pays du BRICS.
     
    Quant à l'UE, elle obtiendra le gaz qu'elle paie pour, et elle devra faire face aux répliques économiques de son implication dans la crise ukrainienne : elle devra garder à flot l'économie ukrainienne, à peine au-dessus de la ligne de flottaison, au mieux, elle devra faire face à l'afflux inévitable de réfugiés économiques et elle aura le plaisir douteux d'avoir à traiter avec l'épineux problème des « talibans ukrainiens » courant maintenant en liberté dans leur soi-disant Banderastan. L'UE devra faire face à tout cela sous le haut patronage d'un Etats-Unis qui cache à peine son mépris pour l'Europe ou, comme ce fut le cas avec Nuland, ne prend même pas la peine de le cacher. Quant à l'Oncle Sam – ce qu'il ne peut pas obtenir, il le brûle et c'est ce qu'il va finir par obtenir avec l’Ukraine rabotée devenue « Banderastan » : transformée en un Kosovo en plus grand – une grande tristesse pour tous ses voisins, mais un endroit que la machine militaire américaine peut utiliser à sa guise. Contrairement au Kosovo cependant, l'Ukraine finira par s'effondrer, d'une façon ou d'une autre, mais la fiction d'un Etat ​​en fonctionnement peut être maintenue pendant un long moment, surtout s’il y a un consensus dans les ploutocraties qui se tournent vers l'Ouest et qui produisent des questions bien plus que du concret et, aussi longtemps que l’apparence d’un Etat ukrainien unitaire sera là, tout ira bien. Franchement, et sans offense destinée à aucun nationaliste « Ukie » lisant cela, l'oncle Sam a de beaucoup plus gros chats à fouetter que de traiter les problèmes d'un « Kosovo v2 » en Europe centrale.
     
    Les tendances que j'ai esquissées ci-dessus sont, bien sûr, seulement des tendances générales. Il y aura des « zigs » et des « zags » dans le processus mais, en l'absence de quelque événement majeur et imprévu, c'est là, je crois, que nous nous dirigeons. Bien sûr, il y aura une élection présidentielle qui se tiendra dans des conditions grotesques, un oligarque complètement corrompu comme Porochenko va s'acheter une victoire, tandis que le régime pro-américain à Kiev et les « talibans ukrainiens » régleront leurs comptes et s’assassineront l’un l’autre. La Russie très probablement n’interviendra pas militairement, sauf si la situation devient vraiment folle, mais une forme d'accord américano-russe sera plus probable, et l'Ukraine orientale va essayer de trouver un moyen de gagner de l'argent avec la Russie. La Crimée va avoir un boom économique sans précédent qui va attirer beaucoup l’attention des habitants de l’Ukraine rabotée qui seront désespérés d’essayer d’obtenir une petite partie de la manne financière dont jouira la Crimée. Comme ils disent, « l’argent parle ».
     
    Quant à Obama, il restera dans l'histoire comme le pire des Présidents américains. Sauf le prochain, bien sûr.
     
    The Saker***
     

    traduction : joelim
     
    * eurasiste : traduction d'"Eurasian" dans le sens d'un processus, d'une volonté de regroupement et non d'une appartenance ethnique, exactement comme "atlantiste" ne signifie pas "habitant d'un pays de l'axe atlantique"
     
    ** souverainisation  : traduction de "sovereignization", néologisme qui parait affreux à première vue mais qui se justifie par son sens qui est celui d'un processus de libération nationale ; cela va plus loin que "souverainiste" qui est une simple position de principe
     

    *** saker falcon : faucon sacre

     

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    la démocratie et les droits de l'homme en action

     

    la petite histoire

     




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